vendredi 6 décembre 2013

L'espoir à chaque souffle - extrait



Le mercredi 13 décembre, le Mistral était épouvantable. La matinée s’était déroulée à jouer agréablement avec des fillettes qui devaient déjeuner avec nous. Au moment de passer à table, Virginie refusa de manger. Je lui donnai une cuillerée de sirop qu’elle vomit aussitôt. Je pris sa température: le thermomètre indiquait plus de 40 °.
Madame Delteil nous avait rejoints. Elle berçait doucement Virginie qui respirait bruyamment. Le docteur Roulin, averti par les voisins, arriva rapidement. Il lui administra une piqûre. Si Virginie ne réagissait pas rapidement à l’antibiotique il faudrait partir pour l’hôpital. Je la recouchai dans son petit lit et branchai l’aérosol. Heureusement, sa respiration se normalisa peu à peu. D’heure en heure, Madame Delteil et Madame Robert se relayaient pour me tenir compagnie.
Depuis deux semaines j’avais dissimulé, tout en haut d’un placard, un superbe poupon noir auquel Virginie rêvait depuis plusieurs mois. Elle l’avait déjà baptisé Jérémie et l’attendait avec impatience pour Noël. J’ouvris la porte de l’armoire avec un peu d’hésitation. Je sortis le bébé et le posai contre la joue de Virginie. Elle ouvrit les yeux et tendit les bras vers ce poupon tant désiré qu’elle serra contre son cœur avant de se rendormir avec un sourire sur les lèvres.
Elle dormit plus de deux heures. Sa respiration était paisible. Quand le docteur Roulin revint le soir, Virginie sautait sur le lit avec Jérémie calé sur ses épaules. L’hôpital attendrait mais il fallait continuer les piqûres.
Je n’avais plus de cadeau pour Noël. Je savais que ma fille rêvait d’avoir un animal en peluche, un gros lion qu’elle appellerait Waterloo, comme celui qui trônait sur une butte de terre … à Waterloo justement où elle l’avait admiré.
A peu de frais, j’achetai du tissu «imitation fourrure» et un patron adéquat. Nous étions le 22 décembre, il était grand temps que je m’y mette. Il était impossible de fabriquer cette peluche uniquement pendant le sommeil de Virginie. J’inventai donc que cette année le Père Noël était débordé de travail et que je devais l’aider. Virginie suivit avec intérêt le déroulement des opérations.          Le 24 au soir, il restait encore beaucoup à faire. Comme tous les petits enfants, ce soir-là Virginie s’endormit la tête remplie de rêves. Je m’installai à la machine à coudre. Je m’acharnai si bien que, tout à coup, le lion apparut, comme vivant, de ce qui n’était jusque-là qu’un amas de tissu informe. Il était superbe Waterloo.
Sans faire de bruit, j’allai le déposer au pied du lit de Virginie. Le matin de Noël, les yeux tout embrumés par une nuit trop courte, j’entendis des cris de joie et de surprise. «Maman, Wateloo (Virginie ne prononçait pas les R) Wateloo, il est là, il est fini maman. Comme il est beau !»
Seule solution possible à ce mystère : le Père Noël avait envoyé ses lutins pour le terminer pendant la nuit. Jérémie, bébé noir téméraire, chevaucha le lion toute la journée. Waterloo aura souvent la queue et les oreilles décousues. Le plus grand plaisir de Virginie était de le lancer dans tous les sens en sautant sur le lit.
Pour ce Noël, j’offris à Virginie un autre cadeau : celui de partager. Nous préparâmes une surprise pour chacun des enfants de notre entourage que le Père Noël risquait d’oublier ! Chacun d’eux reçut un petit présent que Virginie puisa dans ses propres trésors. Les enfants arrivèrent, silencieux. Avec des gestes hésitants, ils saisirent chacun leur cadeau et tout de suite, ils s’en allèrent. Ils n’avaient dit ni bonjour, ni merci, ni au revoir. L’émotion les avait rendus muets ! Ils descendirent, toujours en silence, l’escalier qui menait à la rue en pente qu’ils dévalèrent en courant, pépiant comme des moineaux.

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